Si l’épidermolyse bulleuse (EB) touche d’abord la peau, ses répercussions dépassent largement la sphère dermatologique. L’une de ses conséquences souvent méconnues est l’atteinte du squelette. Cette pathologie n’affecte pas directement les os, mais son retentissement général engendre des effets secondaires significatifs sur le système squelettique.
Dans les formes sévères d’EB, les plaies chroniques, la douleur et les rétractions cicatricielles réduisent considérablement la mobilité. Chez certains patients, les doigts et les orteils peuvent fusionner et les cicatrices limitent l’extension des articulations. Cette immobilité prolongée entraîne une ostéoporose de désuétude (manque de sollicitation).
Les os ont besoin de contraintes mécaniques pour rester solides. Lorsqu’ils ne sont pas sollicités régulièrement, ils perdent de leur densité minérale et deviennent plus fragiles, exposant à des fractures, même après des traumatismes minimes.
L’EB touche aussi les muqueuses internes, notamment la bouche et l’œsophage. Les patients peuvent avoir des difficultés à avaler (dysphagie) ou à s’alimenter à cause de la douleur. Cela entraîne :
Ces carences nutritionnelles fragilisent directement l’os et augmentent le risque de fractures.
Les plaies cutanées ouvertes et les infections récurrentes génèrent un état d’inflammation chronique. Or, l’inflammation active les ostéoclastes, des cellules responsables de la résorption osseuse.
Cette hyperactivité ostéoclastique contribue à la perte de masse osseuse chez les patients atteints d’EB sévère, ajoutant un facteur supplémentaire de fragilité.
Plusieurs études rapportent que les enfants atteints de formes graves d’EB présentent des signes d’ostéoporose dès la petite enfance. Cette fragilité précoce s’explique par la combinaison de la malnutrition, de la diminution d’activité physique et de l’inflammation.
Les examens de densitométrie osseuse montrent fréquemment une densité minérale inférieure.
Les fractures sont plus fréquentes chez ces patients, parfois à la suite de traumatismes minimes. La douleur osseuse chronique, liée à l’ostéoporose ou aux micro-fractures, contribue à réduire encore davantage la mobilité, créant un cercle vicieux entre immobilité et fragilité osseuse.
Bien qu’il n’existe pas encore de traitement curatif pour l’EB, des stratégies permettent de préserver au maximum la santé osseuse.
Une prise en charge diététique spécialisée est cruciale pour prévenir l’ostéoporose.
Même si la mobilité est limitée, il est essentiel de stimuler les os par une activité physique douce :
Ces activités aident à maintenir la densité osseuse et à prévenir les contractures.
Un suivi pluridisciplinaire est recommandé, incluant :
Des médicaments comme les bisphosphonates peuvent parfois être envisagés pour renforcer l’os dans les cas sévères, sous surveillance médicale stricte.
Les progrès récents en thérapie génique et thérapie cellulaire ouvrent des perspectives prometteuses. En améliorant la qualité de la peau et des muqueuses, ces traitements pourraient réduire les immobilisations, améliorer l’état nutritionnel et, indirectement, protéger la santé osseuse à long terme.
Au final, l’EB fragilise les os par plusieurs mécanismes : immobilisation prolongée, carences nutritionnelles et inflammation chronique. Ces facteurs favorisent l’ostéoporose, les fractures et la douleur osseuse, parfois dès l’enfance.
Limiter l’impact osseux de l’EB repose sur une approche globale et préventive : nutrition optimisée, activité physique douce, suivi multidisciplinaire et traitement des carences. Grâce à cette prise en charge il est possible de briser le cercle vicieux de la fragilité osseuse et d’améliorer durablement la qualité de vie des patients.
Sources
Osteoporosis and bone health in pediatric patients with epidermolysis bullosa: A scoping review, A. Kwon et al., Pediatric Dermatology, mai 2024
Predictors and determinants of pubertal delay and growth impairment in EB, G. Rodari et al., PLoS One, sept. 2022
Prevalence of delayed puberty and low bone density in EB patients, Halley Wasserman et al., Pediatric Dermatology, janvier 2023
Retrospective longitudinal study of osteoporosis in adults with RDEB, Lynne D Hubbard & Kattya Mayre‑Chilton, Clinical Case Reports, novembre 2018