Les patients EB, qu’ils soient enfants ou adultes, vivent avec une douleur chronique et aiguë, parfois insoutenable, qui affecte leur quotidien, leur autonomie et leur moral. Sa gestion représente un défi constant, qui peut conduire, dans certains cas, à une dépendance aux traitements antalgiques, notamment aux opioïdes.
Multiforme et évolutive, elle exige une approche thérapeutique multimodale, combinant traitements médicamenteux, stratégies psychologiques et soins adaptés.
Dans les formes les plus sévères de la maladie, comme l’EB dystrophique récessive, la peau est si fragile qu’elle se déchire au moindre contact. Les lésions cutanées chroniques, les pansements quotidiens, les infections et les rétractations articulaires entraînent une douleur quasi constante.
Dès l’enfance, les patients doivent faire face à une douleur physique intense et répétitive, qui se double souvent d’une détresse psychologique. Le grattage dû aux démangeaisons, les douleurs liées aux soins, mais aussi les douleurs internes et neuropathiques, sont autant de sources d’inconfort sévère.
La douleur chronique est souvent liée à la présence de plaies persistantes, mal cicatrisées ou infectées. Leur traitement repose sur une bonne hygiène locale, l’usage de pansements non adhérents (silicone, mousse douce), et un traitement des infections.
Sur le plan médicamenteux, les antalgiques classiques comme le paracétamol, les AINS, le tramadol et les opioïdes peuvent être utilisés. Certains patients bénéficient d’une analgésie de fond avec des opioïdes à libération prolongée, bien que leur usage chronique doive être surveillé du fait du risque de dépendance et d’accoutumance
Pour soulager ces douleurs multiformes, les traitements antalgiques sont indispensables. Dans les cas les plus graves, des opioïdes puissants sont prescrits. Or, leur usage prolongé peut provoquer des effets secondaires, une tolérance accrue et un risque de dépendance.
D’où un dilemme certain : ne pas traiter la douleur revient à abandonner le patient à une souffrance permanente ; la traiter sans précaution peut entraîner une nouvelle pathologie iatrogène. Le recours aux antidouleurs doit donc s’inscrire dans une stratégie réfléchie, personnalisée et encadrée.
Pour encadrer la gestion de la douleur, les recommandations insistent sur l’importance d’une prise en charge multimodale de la douleur. Il ne s’agit pas uniquement de prescrire des médicaments, mais aussi d’intégrer dès le plus jeune âge des approches psychologiques, environnementales et corporelles : hypnose, relaxation, TCC, massages, soutien familial… Toutes sont recommandés pour réduire la perception douloureuse, moduler les réponses émotionnelles et restaurer un sentiment de contrôle.
Le prurit sévère, fréquent dans l’EB, aggrave les souffrances physiques. Les démangeaisons persistantes favorisent un cycle prurit-grattage : le grattage abîme la peau, augmente l’inflammation, stimule les fibres nerveuses… et relance le prurit. Ce cercle vicieux altère la barrière cutanée, favorise infections systémiques et complications dermatologiques (lichénification, nodules prurigineux).
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Les interventions psychologiques non médicamenteuses ont montré leur efficacité dans d’autres pathologies cutanées chroniques comme la dermatite atopique mais leur efficacité dans le prurit et la douleur de l’EBH est moins bien documenté. Elles incluent :
L’un des objectifs majeurs de ces approches est de limiter l’usage excessif des opioïdes, en misant sur une meilleure anticipation de la douleur, une évaluation régulière et une communication constante entre les soignants, le patient et ses proches.
Chaque patient EB est unique : l’intensité et la nature de la douleur varient selon la forme de la maladie, l’âge et le contexte psychologique. Il est donc essentiel de coconstruire un plan de soin adapté, régulièrement réévalué, dans une logique de partenariat thérapeutique.
Face à la douleur, les familles se tournent aussi souvent vers les médecines complémentaires et alternatives : acupuncture, massages, phytothérapie, yoga, musicothérapie ou chiropractie. Toutefois, les preuves scientifiques restent limitées dans l’EB. Certaines pratiques, comme le massage ou la chiropractie, peuvent même être contre-indiquées en raison de la fragilité cutanée ou de l’ostéopénie (baisse de la densité de l’os) fréquente.
La phytothérapie soulève aussi des préoccupations : risque de saignement et d’interactions médicamenteuses, contre-indication en cas de plaies ou d’antécédents digestifs. Une évaluation rigoureuse et individualisée est donc indispensable avant toute prescription de médecine alternative.
En définitive, il s’agit avant tout de trouver un équilibre subtil entre soulagement efficace et prévention de la dépendance, entre accompagnement médical et respect de la dignité du patient.
Les traitements doivent être personnalisés selon l’âge, l’histoire de la maladie et les ressources psychologiques du patient. Les interventions non pharmacologiques, loin d’être accessoires, sont un levier essentiel pour rompre les cercles vicieux du prurit et de la douleur chronique.
Sources :
Pain care for patients with epidermolysis bullosa: best care practice guidelines, Kenneth R. Goldschneider, Julie Good, Emily Harrop, Christina Liossi, Anne Lynch-Jordan, Anna E Martinez , Lynne G Maxwell, Danette Stanko-Lopp, BMC Medicine, 12:178 (2014)
Assessment of mobility, activities, and pain in different subtypes of epidermolysis bullosa, JD Fine, LB Johnson, M Weiner, C Suchindran, Clinical and Experimental Dermatology, 29:122–127 (2004)
Pain in recessive dystrophic epidermolysis bullosa: findings of the Prospective Epidermolysis Bullosa Longitudinal Evaluation Study, Eunice Jeffs, Elizabeth Pillay, Lesedi Ledwaba-Chapman, Alessandra Bisquera, Orphanet Journal of Rare Diseases, 19: 375 (2024)
Pain care in EB: Clinical Practice Guideline – Debra International