Etre parent et aidant…

Article inspiré de l’émission « Grand bien vous fasse » de France Inter du 10 juin 2019.

Quelques semaines après la rentrée, c’est reparti pour le rythme infernal : réussir à faire avaler un petit déjeuner à notre papillon, gérer les soins, vérifier s’il y a eu des bobos pendant la nuit … on pourrait se dire qu’une fois à l’école on va pouvoir souffler…mais non !

L’école c’est super, quand ils peuvent y aller. Sans qu’on ait à se demander si l’auxiliaire de vie sera bien présente, s’il va pouvoir supporter le bruit, les microbes, le rythme, s’il va manger quelque chose ce midi et si, dans la cour de récré, ça va bien se passer ou si on va nous appeler parce qu’il y a eu une chute. Si dans la rue, on va pas se moquer ou entendre les éternels chuchotements… On le sait, être parent, c’est réjouissant et c’est… crevant. Exténuant. Horripilant aussi, parfois. On le dit moins souvent, mais être un parent ET un aidant c’est ça… Non, c’est dix fois ça. C’est mille fois ça. Ça se compte pas. Quand on aime, on compte pas. Aider, c’est naturel. Cet enfant, malgré la maladie, c’est la chair de notre chair, alors quand on souffre, on ne dit le pas.

Raser les murs, ne rien demander, ne pas se plaindre, surtout, effacer les différences, dans un monde qui n’adore pas la différence, les imparfaits, les boiteux, les pas comme eux. Se faire tout petit, mais à quel prix…

Il nous faut souvent un certain temps avant de réaliser à quel point avoir un enfant avec une maladie comme l’EB nous amène à prendre une double casquette, à jongler constamment entre le rôle de parent et le rôle d’aidant. Au début on ne connait même pas le mot d’aidant, on ne voit pas très bien en quoi on est concernés, on pense simplement exercer son rôle de parent qui fait tout pour aider son enfant.

En effet, on parle pourtant d’aidant dès lors qu’on est amenés à exercer une surveillance accrue, en évitant l’exposition à un danger menaçant l’intégrité ou la sécurité d’une personne. Face à une maladie comme l’EB où tout ou presque est un risque potentiel, cette définition prend tout son sens. Notre présence répond aussi à un besoin de soins.

Les aidants… si on en parlait

On estime à 11 millions le nombre d’aidants avec des besoins énormes de répit. Il y a aujourd’hui un manque de structures, de moyens et surtout de reconnaissance même si les choses semblent évoluer dans le bon sens (voir article du Parisien du 30/07/2019 « Aidants familiaux : vers une reconnaissance et une meilleure prise en charge »). On se souvient aussi du don de RTT. Par ailleurs le congé paternité en cas d’enfant hospitalisé vient de passer à 30 jours (en plus des 11jours déjà existants).

L’État, dans sa réflexion sur ce sujet, ne doit pas oublier les 164 milliards d’euros que coûterait le fait de payer des gens pour réaliser le travail accompli par les aidants, soit 2/3 de toutes les dépenses de santé.

En tant qu’aidant, on se sent parfois épuisé. Épuisé par plein de choses : la maladie, l’environnement, … ces phrases prononcées avec la meilleure intention du monde qui nous font l’effet d’un électrochoc (la caissière du supermarché qui dit « oh la pauvre, je n’aimerais pas être à sa place ! »), les invitations que l’on ne veut ou peut honorer (les collègues qui ne comprennent pas trop pourquoi on ne va pas boire un verre avec eux après la journée de travail ou l’invitation au mariage du cousin à l’autre bout de la France qu’on décline). Tout nous amène parfois à être vraiment fatigués, sans énergie, sans envie, et aussi parfois à culpabiliser parce qu’on ne participe pas à l’organisation habituelle de la vie en société

Beaucoup d’entre nous ont un quotidien très dense avec souvent une fratrie, un travail, les soins quotidiens, les démarches administratives liées à la maladie, les RDV médicaux…ce qui laisse bien peu de temps pour soi. Encore moins quand on n’ a pas ou peu de relai (famille éloignée ou trop angoissée pour garder et gérer les soins d’un enfant papillon…). On se retrouve souvent confrontés à une triple charge mentale (la 1ère étant la charge mentale liée au fait d’être parents, la 2e du fait de la maladie et la 3e liée à cette crainte de ne pas arriver à tenir le rythme sur la durée)  qui peut facilement ébranler notre fragile équilibre.

Parfois on se sent seul au sein de la cellule familiale. Ce train de vie mène aussi souvent la vie dure au couple, les disputes ne sont pas rares, par moment on craque. De plus, on n’avance pas toujours au même rythme et de la même façon sur le chemin de l’acceptation.

Les principales difficultés rencontrées sont : gérer le regard des autres, la culpabilité, concilier vie de famille et vie professionnelle avec un monde professionnel pas du tout adapté pour les aidants. Les annonces faites par le corps médical (votre enfant ne survivra pas) ou médico-social de façon très violente parfois, les annonces faites avec certitude, catégoriques (l’assistante sociale qui dit en regardant Madame « il va falloir réfléchir à optimiser au mieux les différentes aides car vous aurez du mal à faire garder votre enfant avant qu’il n’entre à l’école » ou « trouver une infirmière libérale est quasiment mission impossible, ce sont des soins pas rentables pour elle » …).

Pourtant, les aidants, qui souhaitent souvent rester discrets dans le monde de l’entreprise par peur de se voir mis en fragilité, développent une intelligence organisationnelle incroyable, un savoir-faire humain.

Chez les enfants papillon, tout est fragile : leur peau, leur quotidien, leur moral mais aussi celui de leurs proches, leur espoir. Mais la fragilité peut être une force.

Côté Lecture :

Côté film :

La guerre est déclarée : Un couple, Roméo et Juliette. Un enfant, Adam. Un combat, la maladie. Et surtout, une grande histoire d’amour, la leur…

Wonder : August Pullman est un petit garçon né avec une malformation du visage qui l’a empêché jusqu’à présent d’aller normalement à l’école. Aujourd’hui, il rentre en CM2 à l’école de son quartier. C’est le début d’une aventure humaine hors du commun. Chacun, dans sa famille, parmi ses nouveaux camarades de classe, et dans la ville tout entière, va être confronté à ses propres limites, à sa générosité de cœur ou à son étroitesse d’esprit. L’aventure extraordinaire d’Auggie finira par unir les gens autour de lui.

 

En aparté : que diriez-vous à des parents qui viennent d’apprendre la maladie de leur enfant ?

Rémy Bellet : « Gardez une petite flemme allumée tout au fond de leur tristesse, la vie ne s’arrête pas. La vie qu’ils mènent est toujours la même et elle sera peut-être meilleure que celle qu’ils ont connue avant ».

Caroline « Je leur conseillerais de parler ou d’échanger à leur manière : aller voir un psy, écrire des articles ou aller sur Facebook, parler à la voisine, ou au curé… N’importe qui mais vraiment de ne pas rester seul, c’est ce qui fait avancer ».

Audrey « S’ouvrir aux autres, alors qu’on a envie de se renfermer, essayer de parler à un maximum de personnes et surtout de ne pas hésiter à solliciter les gens parce que finalement beaucoup de gens sont prêts à aider ».

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