L’épidermolyse bulleuse héréditaire est une maladie génétique de la peau très douloureuse et rare qui provoque notamment des décollements cutanés dès la naissance. Face à ces lésions bulleuses, une EB nécessite parfois la prise en charge par un kinésithérapeute. Un accompagnement particulier qui est décrit dans le dernier guide réalisé par Debra International à destination des praticiens. Voyons ensemble les différentes recommandations de la pratique clinique de la kinésithérapie.
Qu’est-ce que la kinésithérapie ?
La kinésithérapie, dénommée également physiothérapie, est une science de la rééducation par le mouvement. Le but du kinésithérapeute est de permettre au patient de bouger le mieux et le plus possible, en maintenant les amplitudes articulaires, stimulant l’activité musculaire, travaillant la coordination et l’équilibre ainsi que la sensibilité proprioceptive.
Les kinés ou physiothérapeutes aident notamment à :
- Prévenir des maladies, des blessures (suite à un accident par exemple) et des handicaps moteurs.
- Encadrer les maladies aux symptômes sévères limitant l’activité physique.
- Améliorer et maintenir les performances physiques pour assurer l’indépendance du patient.
- Assurer des exercices thérapeutiques et des interventions médicales adaptées permettant de réadapter sa motricité après un accident ou à cause d’une maladie.
- Éduquer le patient pour prévenir l’apparition de nouvelles blessures ou le déclin de ses capacités fonctionnelles.
Pourquoi la kinésithérapie est-elle primordiale pour les personnes atteintes d’EB ?
L’épidermolyse bulleuse est une grave pathologie pour laquelle la prise en charge par un kiné semble primordiale. Surtout pour un patient souffrant d’un type d’EB lui entrainant des limitations fonctionnelles.
Des programmes de kinésithérapie active, passive et d’aide aux mouvements sont proposés aux patients. Les outils de travail doivent être doux, ou protégés (ex : selle de vélo d’appartement). Les grosses poignées doivent être préférées.
L’EBS (épidermolyse bulleuse simplex), par exemple, provoque de fortes douleurs causées par des bulles apparaissant sur les mains et les pieds. Des symptômes qui conduisent à l’inactivité et à une certaine dépendance aux dispositifs de mobilité. L’EB dystrophique, quant à elle, peut conduire à des problèmes d’ostéoporose et à une ostéopénie (diminution de la masse osseuse).
Les personnes souffrant d’EB présentent un large éventail de handicaps : de sévères cicatrices, des contractures sur tout le corps et une douleur aigüe qui affecte alors le moindre mouvement. Se déplacer devient donc tellement inconfortable et douloureux que l’inactivité peut entraîner une restriction des articulations, des retards dans la motricité globale, entraînant par conséquent une perte de la mobilité… Des symptômes musculaires et articulaires de la maladie rare qui nécessitent assurément une prise en charge par un kinésithérapeute.
Les bulles et érosions cutanées sont très fréquentes au niveau des extrémités en particulier pendant la petite enfance du fait de la sollicitation mécanique. Les bulles sont également favorisées par la transpiration et l’échauffement des pieds. Dans les formes dystrophiques, la répétition des lésions et leur cicatrisation anormale entraînent des fusions des orteils et des déformations des pieds, parfois entretenues par des bandages inadaptés et des positions vicieuses des pieds du fait de la douleur. Ces
positions vicieuses vont d’une part induire de nouvelles lésions et aggraver les déformations et d’autre part avoir des répercussions sur les autres articulations des membres inférieurs. Les soins des pieds ne sont pas spécifiques, mais de nombreuses mesures d’accompagnement sont nécessaires pour prévenir les lésions et les complications. Les bandelettes entre les orteils permettent de ralentir la fusion des orteils dans les formes dystrophiques. Les chaussettes permettent de tenir les pansements. Elles doivent être en coton. Des chaussures souples sans couture avec semelles souples avant la marche et amortissantes ensuite sont nécessaires. Des chaussures sur mesure et/ou la fabrication de semelles thermoformées siliconées par des podo-orthésistes sont conseillées. Certaines marques de chaussures pour enfant sont adaptées (EasyPeasy, Robeez, chausson baby gym Décathlon).
État des lieux des pratiques médicales actuelles de la kiné pour les patients touchés par l’épidermolyse bulleuse.
Qu’en est-il de la pratique actuelle de la physiothérapie à l’égard des personnes souffrant de cette maladie génétique qu’est l’EB ? Justement, le guide réalisé par Debra International fait le point à ce sujet.
- En raison de la rareté de l’épidermolyse bulleuse, les kinésithérapeutes/ physiothérapeutes disposent de peu de ressources documentaires encadrant les pratiques médicales spécifiques aux patients souffrant d’EB.
- L’étude constate aussi que les pratiques actuelles de physiothérapie avec des personnes souffrant d’EB s’appuient sur des soins anecdotiques et une collaboration entre les patients et le soignant.
C’est en partant de ce constat que Debra International propose six axes d’amélioration pour une meilleure gestion de la kinésithérapie et une meilleure prise en charge des patients souffrant d’épidermolyse bulleuse héréditaire. Voyons ensemble la méthodologie suivie par Debra International pour exprimer ces principales recommandations.
EB et kinésithérapie : méthodologie de l’étude
Trouver des axes d’amélioration pour la gestion de la kinésithérapie et une meilleure prise en charge pour les personnes souffrant d’EB nécessite une méthode rigide réalisée en 3 étapes :
- En 2017, Debra International coordonne un panel international de 13 membres volontaires, représentant les physiothérapeutes, les infirmières, les dermatologues, les ergothérapeutes, les parents/soignants et les personnes atteintes d’EB.
- Une enquête de cadrage a ensuite été créée et a été distribuée aux soignants travaillant avec des patients atteints d’épidermolyse bulleuse et aux patients souffrant d’EB. Une étude internationale à travers les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Espagne et la Croatie qui avait pour but de se concentrer sur les sujets EB les plus pertinents pour les kinés.
- Une revue systématique de littérature, c’est-à-dire la sélection d’une série d’articles scientifiques, à travers huit moteurs de recherche et se fondant sur des termes clés, a permis d’identifier plusieurs articles scientifiques.
C’est à travers ce process, qui s’avère dans les faits encore plus complet, que Debra International a élaboré six recommandations pour améliorer la prise en charge de la physiothérapie à l’égard de patients touchés par l’EB.
Zoom sur les trois premières recommandations du guide kiné et épidermolyse bulleuse…
- Le guide recommande aux praticiens une pratique particulière à l’attention des nouveau-nés chez qui l’on suspecte une EB. Ces « bébés papillon » doivent être portés selon une position particulière afin d’éviter tout risque de friction avec la peau. Le physiothérapeute peut alors proposer une consultation pour les activités de développement et de positionnement développemental. Concrètement, le guide suggère aux praticiens de fournir des conseils pour placer prudemment le nourrisson dans une position adaptée, assurant le développement de sa motricité globale.
- L’étude réalisée par Debra International suggère aussi de développer une mobilité sûre et fonctionnelle dans leur environnement naturel pour les personnes souffrant d’EB. Concrètement, le kinésithérapeute propose aux patients des exercices d’étirement, de renforcement et d’équilibre, cela pour éviter les restrictions de mouvements articulaires et musculaires dus à leurs cicatrices répétées et à leurs bulles. Des exercices à partager en famille et à répéter au quotidien pour améliorer la qualité de vie du malade. Le physiothérapeute a aussi pour mission de proposer le dispositif de mobilité le moins restrictif possible, en s’adaptant aux besoins du patient et à son mode de vie.
- Troisième recommandation : l’étude évoque d’optimiser l’endurance à la marche des patients atteints d’EB afin d’améliorer la fonction cardiorespiratoire. Pratiquement, le guide suggère dans cette partie aux praticiens kinésithérapeutes d’enseigner à leurs patients EB la santé osseuse, le port de poids, l’équilibre et les activités de renforcement musculaire et de souplesse. Des exercices qui permettent d’améliorer la densité osseuse de patients particulièrement touchés par l’inactivité.
… les trois dernières recommandations de la gestion de la kinésithérapie pour l’EB en quelques lignes
- L’étude suggère, en guise de quatrième recommandation, de travailler de façon interdisciplinaire, entre physiothérapeutes et orthopédistes, pour proposer des chaussures appropriées de marche, des orthèses de soutien, dans le but de réduire le risque de formation de bulles au niveau des pieds et d’assurer ainsi au patient de supporter son poids en toute sécurité.
- Le guide de Debra International sur la kinésithérapie et l’EB suggère de faciliter l’accès tout au long de la vie du patient EB aux services de physiothérapie. Le travail de physiothérapie doit commencer tôt dans la vie du patient, cela pour retarder le processus de contractures et de déformations, symptômes de certaines formes d’EB qui entraînent une réduction de la mobilité.
- Enfin, dernière suggestion de la part de Debra International : optimiser l’interaction avec l’environnement extérieur du patient. Le travail des physiothérapeutes pour les patients EB est complexe : en plus des exercices pour prendre soin de leur squelette et de leurs articulations, le physiothérapeute doit proposer un système de mobilité permettant au patient EB de se socialiser dans son environnement. Avec un travail rigoureux en collaboration avec des prothésistes, des podologues, des orthésistes, les kinés évaluent les mouvements des patients pour proposer le matériel médical le plus adéquat et valorisent la mobilité à domicile, à travers l’utilisation d’attelles et d’orthèses.
Difficile malgré tout de résumer un long article en quelques lignes. C’est pourquoi nous vous invitons à lire de façon plus approfondie l’étude kiné et EB (en anglais).
Vous avez des expériences à partager, envie d’aider et de donner de votre temps ? Deux bonnes raisons d’adhérer à notre association de patients et de partager par exemple vos bonnes pratiques de kiné entre malades EB !