Fin 2021, vous avez été nombreux à répondre à notre enquête nationale sur l’impact de l’EB sur les familles et nous vous en remercions. Nous partageons avec vous les résultats de cette enquête.
Matériel et méthodes
Un
questionnaire numérique a été construit et distribué aux parents d’enfants atteints d’EB en partenariat avec l’association de patients DEBRA France. Le questionnaire a recueilli les caractéristiques cliniques et socio-économiques, y compris le montant estimé de l’argent que les aidants devaient payer de leur poche. La charge des aidants a été évaluée à l’aide de l’outil EB-BoD validé. Des modèles de régression univariés linéaires ont été réalisés pour rechercher les facteurs associés à un fardeau plus élevé et à des dépenses de fonctionnement plus importantes.
Résultats
Entre octobre et décembre 2021, 77 parents ont répondu au questionnaire. Le répondant était la mère de l’enfant dans 77% (n=59) des cas. Les parents représentaient 40 filles et 37 garçons avec un âge moyen de 7,5 ans et avec différents types d’EB et de sévérité de la maladie. Le score moyen du BE-BOD était de 63,9±20,2. Le score moyen observé chez les enfants atteints d’EB sévère était de 69,0±21 contre 59,0±18,6 pour les modérés/doux. De même, le score BE-BOD moyen observé chez les parents effectuant des soins quotidiens de la plaie était de 67,9±19,6. Tous les parents (100 %) ont déclaré des dépenses personnelles. La moyenne annuelle des frais à la charge des parents était de 4129€ ± 4321€. La régression linéaire a démontré que pour chaque augmentation d’un point du score EB-BoD, les frais augmentent de 91,1 euros (35,1 – 147) p=0,002.
Un suivi des malades dont la qualité est centre dépendant
La majorité des répondants (92%) est suivie par
deux centres, Paris-Necker et Nice. Si la majorité des répondants sont satisfaits de la prise en charge et du suivi réalisé par les centres de référence, la lecture des résultats met en lumière des pistes d’amélioration significatives qui pourraient faciliter le quotidien des familles. Le
suivi des malades en centre de référence est, en général, annuel ou biannuel.
Ces visites, dans des centres souvent éloignés des foyers, mobilisent les
familles en hospitalisation de jour et nécessitent une coordination fine des
équipes hospitalières pour fluidifier au mieux le parcours des enfants.
L’enquête met en évidence une coordination parfois difficile des équipes hospitalières entre les différents professionnels impliqués dans le suivi des malades. Ces défauts de coordination pèsent sur l’organisation des familles qui doivent déjà faire face à des difficultés géographiques.
Une coordination et communication entre les professionnels de santé et les experts balbutiante
Selon les centres de référence, entre 30 et 45% des répondants estiment qu’il n’y a pas de coordination des soins entre les différents professionnels impliqués. La prise en charge et le suivi de l’épidermolyse bulleuse engagent des acteurs hospitaliers et ambulatoires. 23 à 50% des familles répondantes, selon la situation géographique, estiment que les échanges entre le médecin traitant et les experts EB sont insuffisants, voire inexistants. Sans prendre en compte le suivi du médecin traitant, les échanges avec les autres professionnels de proximité semblent grandement dépendre de la situation géographique.
Il est à noter que les familles sont dans la majeure partie du temps intégrées dans l’organisation des parcours, en général en recevant dans 38 à 60,5% des cas le compte-rendu des échanges. Dans 10,5 à 23% des cas, les familles sont pleinement considérées comment un acteur à part entière.
Des conséquences socio-éducatives importantes : un impact de taille de l’EB
Les conséquences de l’EB ne doivent pas s’évaluer seulement sur le plan clinique. On note une déscolarisation importante des enfants atteints par la maladie, environ 17% des enfants. La rupture sociale engendrée par la fragilité physique des malades pèse sur le moral des familles qui, pour 41% d’entre elles, assument seuls les soins ; 70% considérant que les professionnels mobilisés n’ont pas les compétences suffisantes pour ce faire, 91% estiment penser toute la journée à la maladie et 72% que l’EB remet en question leur projet d’avenir. S’ajoute au poids social et psychologique de la maladie, le poids économique puisque nous estimons le reste à charge moyen de la maladie à 4 129€ (transports, produits lavant et émollients, hébergement lors des hospitalisations, vêtements spécifiques).
Debra France apporte son soutien aux familles confrontées à l’EB
L’épidermolyse bulleuse est une maladie génétique rare de la peau dont les traitements reposent pour l’heure essentiellement sur des pansements et des topiques. Les personnes touchées par cette maladie voient leur quotidien profondément bouleversé. Les soins nécessitent plusieurs heures de travail quotidiennes, une charge de travail souvent assumée par les familles. DEBRA France est une association représentant des familles touchées par l’épidermolyse bulleuse et leur apporte un soutien psychologique, social et administratif en :
organisant des rencontres entre les familles concernées par l’EB
- accompagnant les familles dans le remplissage de leur dossier MDPH
- organisant un soutien psychologique et infirmier pour les familles qui le sollicitent
- soutenant la recherche d’un traitement contre l’EB
Ces résultats mettent en lumière une partie du combat des familles faisant face à l’EB. Ces parents-soignants doivent combler encore trop souvent seuls des lacunes dans l’accompagnement de leurs enfants. Ces lacunes pourraient être en partie comblées par une décharge du temps de soins pesant actuellement sur les parents : les soins des enfants mobilisent les parents plusieurs heures par jour, qui se retrouvent soignants par manque d’une offre de soins adéquate sur le territoire. Enfin, les professionnels ne peuvent malheureusement pas se permettre de se mobiliser sur ce type de soins, souvent de longue durée, techniques et peu rémunérateurs car insuffisamment cotés.
Soutenir l’arrivée de thérapies innovantes
La recherche a permis des avancées majeures avec de premiers essais cliniques prometteurs de thérapies géniques permettant de traiter les formes simples d’épidermolyse bulleuse. En effet, 9 patients ont été traité avec succès par une thérapie génique administré par voie cutanée, améliorant considérablement la qualité de vie de ces derniers : il a été constaté qu’après 3 mois, les lésions cutanées de ces malades se sont résorbées en tout ou partie, selon le niveau de sévérité de la maladie. Des essais seront engagés pour évaluer l’efficacité de cette thérapie sur les muqueuses : le larynx, la bouche, le pharynx et les yeux.
Conclusion de cette enquête sur l’impact de l’EB sur les familles et les proches
Si la France a la chance de bénéficier d’un plan national maladies rares et d’un maillage territorial avec des centres de référence, le manque de financement dédié alloué aux centres de compétences rend difficile le suivi d’une maladie aussi complexe que l’épidermolyse bulleuse. L’évaluation de l’état cutané y est rarement possible car nécessite souvent la réalisation d’un
bain pour retirer les pansements et les refaire. Le temps de soin et d’analyse clinique nécessaire peut varier entre 2h00 et 4h. Les malades peuvent cependant être amenés à se rendre dans un centre hospitalier de proximité afin de réaliser des bilans sanguins dans de bonnes conditions (ex : Meopa pour les enfants …) ou des injections de fer ou être transfusés en cas d’anémie.
Face à la complexité d’accéder à des professionnels ou des centres expérimentés dans la prise en charge de ces patients, les malades privilégient souvent une relation basée sur la confiance et la collaboration et une volonté de s’investir dans cette maladie complexe et chronophage à proximité de leur lieu de vie sur l’ensemble du territoire.
Dans tous les cas ce maillage doit s’articuler sur une communication forte avec les centres de référence avec de part et d’autre la disponibilité nécessaire pour ces échanges et la définition du meilleur parcours de soin pour un patient donné. Le réseau extra-hospitalier propre à chaque patient (médecin traitant, pédiatre, spécialistes) reste une composante essentielle de l’organisation. On voit bien aujourd’hui que cette coordination et cette communication restent des axes à améliorer.
Par ailleurs, même si la France offre bien une prise en charge pluridisciplinaire de la maladie, ce sont le plus souvent les patients qui se rendent dans les services spécialisés (en changeant parfois de centre hospitalier), contrairement à d’autres pays où se sont les spécialistes qui viennent au chevet du patient.
L’EB fait peser un f
ardeau considérable sur la vie quotidienne des familles. Ce fardeau est étroitement associé aux dépenses de fonctionnement pour gérer l’EB qui étaient en moyenne 20 fois plus élevées par rapport à la population française.
Cette enquête a donné lieu à un article dans le
JEADV