Témoignage – Vivre au quotidien avec des formes plus légères de l’épidermolyse bulleuse

Toutes les formes d’épidermolyse bulleuse ne sont pas les mêmes. Certaines formes sont sévères, d’autres plus légères. Elles restent néanmoins handicapantes et compliquées à vivre. Retour sur le témoignage de Charlotte, atteinte, ainsi que son fils par une forme plus légère d’EB.

témoignages charlotte EB

Bonjour Charlotte, peux-tu te présenter et présenter ton parcours jusqu’à la découverte de ta maladie ?

Je m’appelle Charlotte, j’ai bientôt 34 ans et je suis atteinte d’épidermolyse bulleuse dystrophique. J’ai deux petites sœurs qui sont saines et je suis la seule de la famille à avoir cette maladie. Mes parents ont découvert à ma naissance que j’avais un souci de peau mais ne savaient pas ce que c’était. Ils m’ont emmenée voir des pédiatres, des rebouteux, etc pendant 6 ou 9 mois je ne sais plus, ils ont entendu des choses dramatiques et se sont demandé pourquoi ils avaient fait un enfant, ils étaient dépités. Et un jour, en allant voir un dermatologue de ville chez nous, celui-ci leur a dit qu’il pouvait poser un diagnostic. Il s’agissait d’une épidermolyse bulleuse. A partir de là ils m’ont emmenée régulièrement à Saint Louis voir le Dr Blanchet-Bardon. J’ai été suivie aussi un peu à Necker. Mais le diagnostic officiel n’a été posé qu’à mes 30 ans, car les biopsies ont été perdues, une dermato pensait même que ce n’était pas une EB, bref, compliqué ! Le jour où j’ai découvert que mon fils était atteint aussi, j’ai appelé Necker pas très contente car j’avais fait une prise de sang quasiment deux ans auparavant et je n’avais toujours pas les résultats.

Ton fils est aussi atteint d’EB, a-t-il comme toi une forme plus légère de la maladie ? Quelle est la forme exacte dont il est atteint ?

Mon fils est effectivement aussi atteint, et pas ma fille aînée. J’ai une forme dominante, donc une chance sur deux de transmission. Il semble avoir une forme un peu plus légère que la mienne, pour l’instant il est encore petit donc les chocs sont fréquents. Il est atteint à des zones où je ne le suis pas, par exemple il se blesse très régulièrement la lèvre supérieure. A l’inverse, quand j’étais petite et que je tombais en amortissant avec les mains, je m’arrachais la peau de la paume de la main. Pas lui. En plus il a une peau à tendance atopique, donc je fais très attention.

Quel sont les impacts sur votre vie à tous les deux ?

Faire attention aux matières des vêtements, car les frottements et la raideur de certaines matières peuvent arracher la peau (cela m’arrive avec certains caleçons quand je cours par exemple) ou causer des bulles (je pense à certaines vestes ou manteaux qui m’ont causé des bulles aux coudes), et surtout pour se chausser !!! Que du souple, du confort, sinon merci l’état des pieds. Ce qui induit chaussures de marque, bien que ça se démocratise et tant mieux. Quand mon fils était petit on a dû changer de siège auto, car celui que l’on avait pour ma fille avait un morceau en plastique au milieu des jambes où passait la sangle pour resserrer le harnais, et un jour, mon fils s’est arraché la peau des talons dessus… Il était tout petit à l’époque, je suis allée voir en magasin direct pour trouver un modèle où cette partie n’était pas apparente.

L’alimentation peut aussi être délicate : si c’est trop épicé, trop chaud, trop acide, cela cause des bulles sur les gencives ou le palais.

On ne peut pas non plus pratiquer des sports de contact : il faudra qu’il oublie le foot, le rugby, le basket, le hand…. Si on se fait bousculer et qu’on tombe, bonjour la cata. Lorsqu’on est fatigué, on se blesse plus facilement. En hiver, le froid fragilise énormément la peau des mains, elles sont toutes sèches, et si on se cogne mains nues, arrachage de peau assuré. Et bien évidemment, lorsqu’on a des plaies, infectées ou non, on est crevés. On fait beaucoup de siestes le weekend !

Comment as-tu connu Debra et pourquoi as-tu voulu intégrer l’association ?

Quand mes parents ont su de quelle maladie j’étais atteinte, ils ont adhéré à l’association, je pense en 1988 ou 1989, je ne sais plus. J’ai le souvenir de recevoir un magazine de l’association, un chèque cadeau à Noël, d’avoir une petite carte avec le petit garçon bandé sur laquelle il est indiqué que j’ai une EB et que ma peau est très fragile, mais ils n’ont jamais participé à aucune rencontre ni autre. Je ne me suis jamais sentie non plus très légitime car je voyais bien que ma forme ne m’empêchait pas de vivre une vie « normale » comparativement à tous ceux qui ont une forme plus grave que la mienne. Mais quand mon fils est né, face à toutes les problématiques auxquelles j’ai été confrontée, je me suis dis que maintenant on était deux à être concernés et que si je ne me mobilisais pas pour cette cause, c’était tout de même dommage. Je me suis donc présentée au Conseil d’Administration pour apporter mon aide.

Peux-tu nous parler de cette impression d’illégitimité que tu ressens concernant la maladie ?

Disons qu’hormis pendant l’enfance où ma mère m’a emmenée voir un psy car je subissais des remarques stupides et méchantes de la part d’autres enfants à l’école (du type « je ne te donne pas la main t’es dégueulasse » en maternelle), ce qui heureusement n’a pas duré, j’ai mené une vie quasi normale. Je dis quasi car bien sûr il y a eu des ajustements, par exemple je pratiquais la course à pied en compétition et je devais me bander les pieds avant d’enfiler les pointes. Malgré cela j’avais les pieds régulièrement écorchés à la fin de la course. Je n’ai pas eu l’impression d’être pénalisée dans ma vie par cette maladie. Je me rappelle avoir bénéficié d’un tiers temps pour le brevet et le bac car les stylos peuvent exercer une pression douloureuse sur les doigts lorsqu’on écrit. Ma mère était infirmière scolaire et heureusement, elle a anticipé certaines choses auxquelles on ne pense pas forcément. Bref pour en revenir à nos moutons, je pense que c’est surtout la « légèreté » de ma forme qui m’a fait me sentir illégitime. Je suis pourtant bien atteinte moi aussi, mais il est facile de ressentir un syndrome de l’imposteur face à tous mes comparses qui sont en fauteuil, avec les mains collées, qui sont bandés de la tête aux pieds…

Si malheureusement de très nombreuses personnes sont touchées par une forme grave et très invalidante de la maladie, il semble primordial de s’adresser aussi aux malades qui, comme toi et ton fils, ont une forme plus atténuée. En effet, ces derniers peuvent aussi faire partie d’un socle au sein de l’association Debra. Vous êtes également concernés par les recherches, le besoin de soutien face aux handicaps, même plus léger qu’imposent l’épidermolyse bulleuse et avez toute légitimité à faire entendre vos voix. Qu’en penses-tu ?

Je pense qu’il ne faut surtout pas culpabiliser, et se dire qu’il est important de s’investir pour cette cause. Nous sommes bel et bien malades, même si cela s’apparente plus à du handicap « invisible » pour les autres. Je ne comprends pas les gens qui ont en tête qu’on devrait forcément être en fauteuil ou infirme visuellement pour être handicapés. C’est certes un thème large, le handicap, mais la définition est bien là, un handicap, au sens de la présente loi, c’est : « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Il est donc vraiment essentiel de prendre conscience qu’en étant atteint, nous et notre entourage sommes concernés pour la maladie et que si on veut que la recherche avance, que les discriminations liées à ce handicap réduisent ou disparaissent, et si on veut que nous et nos enfants menions une vie « normale » il faut absolument s’investir, faire de la prévention, relayer des informations. Et je pense que la vie associative contribue à tout cela.

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